Histoire d'un vieux château de France -
Monographie du château de Montataire
par le baron de Condé

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LES D'ERQUINVILLERS

SEIGNEURS DE MONTATAIRE
A PARTIR DE 1379
LE ROI CHARLES VI A CREIL

Mathieu d'Erquinvillers avait figuré au dénombrement de 1373 (1), avec l'indication suivante : "Mathieu d'Erquinvillers, dit le borgne, tient, du châtel de Clermont, un fief à Erquinvillers. Porte : diapré d'argent et de gueules, à la bande d'azur".
(1) Folio 495.

En 1379, il acheta les domaine et seigneurie de Montataire. Son acte de foy et hommage avec aveu et dénombrement des plus complets se trouve aux archives du château ; il forme un volume de 18 pages en écriture gothique sur parchemin ; il est daté du 18 juillet 1379.
C'est pendant que Mathieu d'Erquinvillers était seigneur de Montataire, que l'infortuné roi Charles VI, devenu fou, fut conduit au château de Creil (1392).
Ce château avait été, depuis peu, reconstruit par le roi Charles V (1374-1378) (1).
(1) Mss. d'Etienne de Conty, religieux de Corbie, cité par dom Grenier, 169, p. 15.

Dès l'année 1381, le jeune roi Charles VI, qui venait de monter sur le trône et était presque un enfant, n'ayant alors que douze ans, avait visité Creil, y avait fait séjour et avait paru s'y plaire beaucoup (1).
(1) Dom Grenier, 166, p. 15.

Ce fut cette résidence, isolée dans une île, en un charmant pays, avec un air très pur, qui fut jugée la plus favorable pour y tenir le roi, lorsqu'il fut tombé en frénésie, comme disent les historiens du temps, à la suite de la fatale aventure de la forêt du Mans.
"… Du Mans, le roy fut mené à Paris et de "Paris à Creil, près Saint-Leu-de-Serans, où est le "plus bel aer de Paris. Il fut mis "entre les mains de maître Guillaume de Harcelin "(ou Harcigny), médecin le plus expérimenté de "France" (1).
(1) Jean Bouchet, f° 26.

"Et lui fit-on une cage qui se voit encore au "château de Creil pour le retenir tant il était "furieux, pour lui faire voir l'air" (1).
(1) Note manuscrite à la suite du récit de Jean Bouchet.

Du haut des remparts de Montataire, on pouvait facilement apercevoir non la cage qui, faut-il l'espérer, si elle servit, ne servit pas longtemps, mais les fenêtres et les balcons grillés de barreaux de fer derrière lesquels le pauvre roi venait respirer l'air et regarder les danses et divertissements que l'on organisait aux fossés du château pour le distraire et tâcher de le ramener au calme et à la raison.
Il y revenait de temps à autre, mais par intervalles ; notamment après l'accident du bal et des sauvages brûlés devant, il était pris de crises violentes. Il criait alors qu'il n'était pas roi, qu'il n'avait jamais été marié ; il ne l'avait été que trop tôt (à seize ou dix-sept ans avec la belle Isabeau de Bavière qui n'en avait que quatorze) ; qu'il ne s'appelait pas Charles, mais Georges ; que son blason était un lion percé d'une épée (1) …, etc, etc.
(1) Le Religieux de Saint-Denis, nouveau Dict. biog., IX, p. 831.

Pour le distraire on avait, comme on sait, imaginé de lui mettre en mains des petites figures peintes sur carton, qui, plus tard, devinrent les cartes à jouer, et, la reine le fuyant et l'ayant délaissé, on plaça auprès de lui une fillette du nom d'Odette, que l'on appelait la petite reine, et dont on a fait un gracieux personnage dans l'opéra d'Halévy. Ce qui est certain, c'est que, même dans ses moments de plus grande fureur, il la traitait avec une douceur extrême.
Quand la raison lui revenait, il n'y avait pas d'homme plus humain et plus juste. Il faisait tous ses efforts pour éteindre la guerre civile et rendait d'utiles ordonnances dont le recueil publié il y a quelques années par la Société de l'Histoire de France forme un livre très instructif (1).
(1) Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, par M. Douet d'Arcq.

A Mathieu d'Erquinvillers succéda son fils Jehan qui rendit foy et hommage au roi pour sa seigneurie de Montataire, en mars 1416.
L'acte se trouve aux archives nationales (1). Jehan d'Erquinvillers laissa une fille du nom de Marie, qui épousa Mathieu de Milly et lui porta le domaine de Montataire.
(1) P.P., f° 215.

Un Milly avait été, au XIIIe siècle, bailli d'Amiens et s'y était montré justicier sévère.
Dix-sept clercs ou escholiers de la ville étant accusés d'avoir déshonoré sa fille, il les fit d'abord fustiger et emprisonner dans le beffroi. L'un d'eux, un peu trop fustigé sans doute, mourut dans la nuit. Le lendemain, le bailli, toujours en colère, en fit pendre cinq autres des plus compromis au gibet de la ville.
L'évêque trouva le procédé trop vif et n'hésita pas à le désapprouver hautement. Il imposa au bailli une forte réparation et condamna tout l'échevinage complice de l'exécution à fonder six chapelles, autant que d'escholiers mis à mort, deux dans le cimetière Saint-Denis, et quatre dans la cathédrale (1).
(1) Par sentence du 1er décembre 1244.

Ces chapelles ont conservé longtemps le nom de chapelles des meurtris (3).
(3) Bénéf. de l'église d'Amiens, par Darsy (Soc. des Antiq. de Picardie, I, 52).

Robert de Milly, héritier de Mathieu de Milly et de Marie d'Erquinvillers, vendit, en 1455, Montataire à "noble et puissant seigneur Simon Charles, conseiller du roy, président en sa Chambre des comptes", lequel avait épousé Isabelle d'Orgemont (1).
(1) L'acte de vente sur parchemin, daté du 1er juillet 1455, se trouve aux archives du château de Montataire.

A peine le président avait-il eu le temps de rendre foi et hommage pour son château et d'y commencer quelques travaux de restauration (1) qu'il passa de vie à trépas (1466).
(1) A l'extrémité du soubassement de l'aile du château se dirigeant vers l'ouest, on lit la date de 1460.

Sa veuve vendit à Arnaulton de Madaillan ce qui restait alors du château de Montataire.

ARNAULTON DE MADAILLAN

SEIGNEUR DE MONTATAIRE
ET SES SUCCESSEURS
(1466-1557)

J'ai dit : ce qui restait du château de Montataire, parce que, depuis cent ans que l'on se battait, que les places et les maisons fortes étaient sans cesse assiégées, assaillies, prises et reprises tantôt par les Anglais, tantôt par les Français, ce malheureux château de Montataire, après avoir survécu même à la Jacquerie, avait fini par subir le sort commun et était ruiné.
Il ne restait à peu près debout que les tours sud-ouest du donjon, l'étroite courtine qui les relie et un lambeau de la façade du sud-est, où l'on voit encore une petite fenêtre du XIIe siècle. Tout le surplus des bâtiments s'était écroulé et ne présentait que ruines, ainsi que le constate l'acte de foy et hommage qu'Arnaulton de Madaillan, qui avait acheté Montataire, le 16 octobre 1466, s'empressa de rendre, dès le 31 du même mois (1).
(1) Archives du château de Montataire, acte original sur parchemin.

Il se mit aussitôt à l'œuvre pour la reconstruction. Le château primitif, auquel Renaud de Clermont avait, pour le fortifier, ajouté un donjon flanqué de quatre tours, ne s'élevait pas à beaucoup près aussi haut que ces tours. Arnaulton refit les bâtiments plus élevés qu'ils ne l'étaient dans l'origine et les exhaussa jusqu'au niveau desdites tours. Il les recouvrit de toits, il les perça d'ouvertures plus grandes que les rares et petites croisées qui s'y trouvaient antérieurement. Au XVe siècle, on n'éprouvait plus, comme au commencement du moyen âge, la nécessité de sacrifier complètement le confort aux exigences de la défense. On commençait à demander aux logis destinés à l'habitation plus d'air, plus d'espace, de vue et de gaieté. C'est évidemment le sentiment qui a guidé Arnaulton dans sa reconstruction du château de Montataire. Une partie de la façade sud-ouest a été remaniée et modernisée au XVIIe siècle. Mais la façade sud-est, celle qui regarde la vallée de l'Oise, est restée à peu près telle qu'Arnaulton l'a faite. Cette façade ayant plus d'élévation hors de terre à cause de la pente du terrain, il l'appuya de hauts contreforts surmontés, soit par lui, soit par ses successeurs, de quatre arcades inégales qui lui donnent, de ce côté, un aspect très original (1).
(1) Voir la première gravure, en tête du volume.

On retrouve, dans quelques anciennes résidences, ces hauts contreforts surmontés d'arcades. Celles de toutes où ils sont le plus prodigués et de la façon la plus pittoresque, est le vaste et imposant château des comtes de Provence et de Toulouse qui devint le palais des papes, à Avignon.
L'état de ruine dans lequel le nouvel acquéreur avait trouvé Montataire et l'importance des constructions qu'il y éleva ont fait croire qu'il avait entièrement refait le château et que cet édifice date du XVe siècle. Ce n'est vrai qu'en partie. L'ayant ainsi lu et relu de plusieurs côtés, j'en étais convaincu moi-même, lorsque M. Lassus, l'éminent architecte de Notre-Dame, me fit remarquer que les arceaux des salles basses ne sont pas du tout du XVe siècle, mais bien du XIIe siècle ; que, de plus, les voûtes, au 2e étage des tours sud-ouest, sont également du XIIe et non du XVe siècle ; il en concluait : que ces tours, comme il était arrivé dans l'importante ruine de Pierrefonds, n'avaient pas été renversées avec le reste du château, mais étaient bien celles du donjon primitif. Après lui, M. Viollet-le-Duc et M. Sauvageot, l'érudit architecte qu'il m'avait donné pour la restauration de Montataire, n'hésitèrent pas à conclure de même, ainsi que M. Emmanuel Woillez et plusieurs autres bons archéologues, et cette opinion s'est trouvée surabondamment confirmée par la découverte du pilier qui supportait primitivement le centre du donjon, lequel pilier s'était trouvé encastré dans le gros mur de refend construit par Arnaulton pour soutenir à l'intérieur ce qui restait du château, ainsi qu'il a été expliqué en un chapitre précédent.
Il est donc prouvé d'une manière certaine qu'une partie notable du vieux donjon de Renaud II est encore debout. Quelques fenêtres plus grandes que les anciennes, qui étaient toutes petites, ont été percées. Arnaulton l'a recouvert de toits pointus remplaçant les terrasses crénelées du XIIe siècle. Mais il n'y a pas ajouté un seul de ces ornements qui caractérisent si bien le XVe siècle. L'édifice a conservé de ce côté, sauf l'agrandissement des ouvertures, agrandissement qui, il ne faut pas se le dissimuler, a beaucoup modifié l'apparence des tours, sauf cet agrandissement, disons-nous, le donjon a conservé, d'une manière absolue, l'aspect grave, mâle, calme, tout à fait simple, poétique même par cette extrême simplicité, des premiers châteaux du moyen âge.
Gravure du château façade côté sud-ouest
Qu'était-ce qu'Arnaulton de Madaillan ? Et par quelles circonstances un gentilhomme étranger à la contrée, venu des provinces méridionales de la France, avait-il songé à se rendre acquéreur du domaine de Montataire ?
Moréri dit qu'il avait été nommé gouverneur de Creil pour le roi (1), et les généalogies de sa famille font la même mention (2).
(1) Voir Dict. de Moréri, IV, p. 767 et 768, et 1er supplément, t. II, p. 7.
(2) Archives du château de Montataire.

Il était seigneur de Montvieil en Gascogne, et, dans ce pays, où beaucoup s'étaient laissé entraîner à suivre la fortune de l'Angleterre alors triomphante, il avait, comme ceux de sa branche, continué à rester obstinément fidèle au parti de la France. Il s'était trouvé, en 1415, à la funeste bataille d'Azincourt, si meurtrière pour la chevalerie française, où dix mille des nôtres avaient encore péri et quatorze mille avaient été faits prisonniers. Il l'appelait, à juste titre, quand il remémorait ces tristes souvenirs : la male (mauvaise) journée.
Il avait épousé Cécile de Puech, Pulch ou Pulchs, d'une famille de Guienne, dont les armes étaient de gueules à trois fasces d'argent (1).
(1) Coll. d'André Duchesne. Mss. Bibl. nat., p. 624.

Les siennes étaient écartelées : de Madaillan, tranché d'or et de gueules, et de Lesparre, d'azur au lion d'or.
Je lis, dans l'Histoire de Creil, que, de 1440 environ à 1451, le capitaine du château et de la place s'appelait Jean Puche.
A cette époque, les noms propres s'écrivaient quelquefois d'une manière variable et fantaisiste.
N'y aurait-il aucun rapport entre ce Jean Puche, gouverneur de Creil, et cette Cécile de Pulche épousée par ce Madaillan, qui se trouve en même temps que lui à Creil, ville dont il paraît avoir été aussi gouverneur un peu plus tard ? Et n'est-on pas tout naturellement porté à supposer qu'Arnaulton de Madaillan avait épousé, en son pays, la fille de ce capitaine et l'avait suivi dans l'Ile de France ?
Ce qui tendrait à confirmer cette supposition, c'est que, dès l'année 1440, on voit Arnaulton de Madaillan acquérir, à Creil, une seigneurie nommée le fief de l'Epée d'où relevaient plusieurs maisons de la ville et des faubourgs (Moréri).
Le 25 juillet 1446, suivant acte passé par Guillaume de Place, tabellion de la châtellenie de Creil, il achetait de Jean de Mirebeau, chargé de la procuration de demoiselle Marguerite de Fouilleuse, un droit de sur-cens sur Jean Héronart, demeurant à Montataire.
A cette époque la guerre de Cent ans touchait à sa fin. En 1450, les Anglais étaient refoulés par la Normandie. En 1455, on réhabilitait l'infortunée Jeanne d'Arc (1). En 1457, il ne restait plus un soldat anglais sur le territoire de la France.
(1) Le procès de réhabilitation fut ordonné par le pape Calixte III, le 11 juin 1455.

On respirait enfin, on se sentait revivre, on recommençait à compter sur l'avenir, on songeait à réparer les ruines accumulées sur le pays.
Frappé, sans doute, pendant son séjour à Creil, de l'agrément de la contrée et de la beauté du site de Montataire, Arnaulton songea à s'y établir, bien qu'il possédât d'assez importantes propriétés dans le Midi et qu'il y eût toute sa famille. La branche aînée de cette vieille maison de Guienne et de Gascogne avait eu de belles alliances. En 1220, Guillaume de Madaillan, sire de Lesparre, avait épousé Alix, fille d'Aimery, vicomte de Rochechouart (1).
(1) Moréri, Généalogie de Rochechouart. - Du Fourny, Généalogie de Rochechouart, t. II, p. 1004.

Son petit-fils, Amaulry de Madaillan, sire de Lesparre, prenait pour femme Cécile de Durfort qui lui donnait deux fils.
Le premier de ces fils avait continué la branche aînée et le second était devenu chef de la branche cadette dont descendait Arnaulton.
Au XIVe siècle, Aramon de Madaillan, sire de Lesparre, avait pour femme Isabeau de Pons, fille du comte de Bigorre.
Son fils, Amanieu de Madaillan, sire de Lesparre, épousait, en 1408, Jeanne, fille du comte d'Armagnac et de Marguerite de Cominges. Il est à noter que cette Jeanne d'Armagnac était petite-fille de Jean Ier, comte d'Armagnac, et de Béatrix, fille de ce Robert de France, à qui le roi saint Louis avait donné le comté de Clermont. Cela constituait, pour les Madaillan, une alliance indirecte avec la maison de France.
Un autre Madaillan, Lancelot, sire de Lesparre, eut pour femme Jeanne d'Estissac (1), et en eut une fille qui fut mariée à Gaston de Gontaut, baron de Biron, et un fils que, par lettres du 22 mars 1458, le seigneur d'Estissac et Marguerite d'Harcourt, sa femme, instituèrent leur héritier, à charge de porter le nom et les armes d'Estissac, ce qu'il fit.
(1) La Roque, Hist. d'Harcourt.

Mais son petit-fils, Louis de Madaillan d'Estissac, mourut en 1565, ne laissant que deux filles ; l'aînée, Claude, épousa François de la Rochefoucauld, et lui porta la seigneurie d'Estissac, qui fut érigée plus tard (1758) en duché en faveur d'un autre François de la Rochefoucauld (1).
(1) La Roque, ibid.

Le berceau des Madaillan avait été le château de ce nom situé dans l'Agenois (aujourd'hui département de Lot-et-Garonne) à douze kilomètres d'Agen, situé, absolument comme Montataire, sur la pointe d'un promontoire à pentes rapides dominant deux vallées.
Il avait été bâti au XIIe ou XIIIe siècle. Il fut pris et repris par les Anglais au XIVe siècle.
Les protestants s'y étant enfermés en 1575, Blaise de Montluc vint les assiéger, mais ne put les forcer et dut se retirer sans avoir pris le château.
Ce fut le seul échec de ce grand capitaine qui avait commencé le livre de ses Commentaires par cette fière déclaration : "Je n'ay jamais esté déffait, ny surpris en quelque faict de guerre où j'ay commandé" (1).
(1) Voir Siège du château de Madaillan, par Blaise de Montluc (1572-1575) ; Tholin, archiviste de Lot-et-Garonne, Agen, 1872.

Aujourd'hui le château de Madaillan est tout à fait en ruines.
Quand à Lesparre, dont le nom actuellement porté par les puînés des Gramont, a si longtemps appartenu aux Madaillan, c'est maintenant une petite ville de la Gironde située au nord-est de Bordeaux, au fond du bas Médoc, microscopique sous-préfecture de 1,500 âmes dans le voisinage du célèbre cru de Pouillac.
Ce fut, dans l'origine, un donjon féodal remontant au XIe siècle, situé au milieu d'un marais qui en faisait la principale défense. Il en reste une assez belle tour carrée avec créneaux et guérite. Cette tour, dit Viollet-le-Duc (1), était un réduit couronné par une plate-forme sur voûte, véritable poste de guerre seulement, car la surface de ce château, en dehors de la tour carrée, n'est que de 700 mètres.
(1) Dict. d'archit., IX, p. 147.

Les premiers sires de Lesparre passaient pour être d'un caractère violent, d'une humeur querelleuse, sans cesse en lutte ou en guerre avec leurs voisins. - Le dernier paya de sa tête, après la défaite de Castillon, son dévouement aux Anglais.
Au XVIe siècle, Lesparre appartenait à la grande et illustre maison de Foix qui a donné trois généraux à la France. L'un d'eux, le fameux Lautrec, fut maréchal de France sous Louis XII et François Ier.
Son frère, le maréchal de Foix, fut blessé à Pavie et mourut prisonnier, en 1524. -
Le troisième, André de Foix, était plus particulièrement connu sous le nom de Lesparre. Ce fut lui qui reçut tant de terribles coups sur son casque qu'il en demeura aveugle, le reste de ses jours.
"Il fut tant battu et rebattu, en un combat, "de tant de coups de masse sur sa sallade, qu'il "en perdit la vue… et puis mourut (1547) aussi "malheureux que ses deux frères, MM. de Lautrec "et de Lescun" (Brantôme, t. I, p. 324.).
Leur sœur, Françoise de Foix, avait épousé, en 1509, Jean de Laval, comte de Chateaubriant, gouverneur de Bretagne, mort en 1542. C'est elle qui fut la célèbre comtesse de Chateaubriant sous François Ier.
Le 27 avril 1672, le duc de Foix vendit au maréchal de Gramont la sirerie de Lesparre qui est devenue un des duchés de la maison de Gramont (1).
(1) Hist. et généalog. de la maison de Gramont, Schlesinger, 1874.

Notre Arnaulton de Madaillan, seigneur de Montataire, arrière-petit-fils d'Amaury de Madaillan et de Cécile de Durfort, était fils d'Amanieu de Madaillan et de Jeanne de Lambertie, et seigneur de Cancon et de Montvieil en Gascogne.
Une fois installé à Montataire, il semble avoir préféré cette résidence à toutes les autres. Il s'y fixa tout à fait et y vécut très vieux.
Peu d'années après qu'il en eût fait l'acquisition, un petit neveu de Jehan d'Erquinvillers, ancien seigneur de Montataire, regrettant que ce domaine fût sorti de sa famille et prétendant, comme héritier dudit Jehan, avoir des droits à faire valoir, intenta, un peu légèrement, paraît-il, un procès à Arnaulton de Madaillan, qui fut reconnu légitime propriétaire par une sentence du Châtelet rendue le 4 juin 1473 (1).
(1) Voir, aux archives du château de Montataire, Procédure et jugement, énorme recueil en parchemin.

En l'an 1481, arrivés à un grand âge, Arnaulton de Madaillan et sa femme firent, par un acte du 9 septembre, donation à leur fils aîné, Guichard de Madaillan, des chastel, fief et seigneurie de Montataire, à charge de pension viagère à ses vieux parents. Guichard rendit ses foi et hommage au roi le 23 septembre 1485.
En 1487, de plus en plus vieux, Arnaulton eut un affaire litigieuse à traiter en Guienne où il ne pouvait absolument plus se rendre. Il avait songé à confier le soin de cette affaire à son fils Guichard. Mais les pièces conservées aux archives de Montataire mentionnent que celui-ci ne put la suivre : "Estant homme de guerre occupé au "service" (il était capitaine de cinq cents hommes d'armes). Alors Arnaulton fit valoir cette impossibilité, ajoutant qu'il était lui-même décrépit et presque centenaire. On lui accorda des lettres de relief d'appel au Parlement de Bordeaux, délivrées à Paris, avec mandement de Robert de Balzac, seigneur d'Entragues, sénéchal d'Agenois.
Arnaulton ne vivait plus le 11 août 1491, ainsi que l'indique un partage fait, à cette date, entre ses enfants. Outre Guichard, à qui il avait, par anticipation, donné Montataire, il laissait : Jean, qui eut la maison de l'Epée à Creil, et plusieurs autres héritages dans les environs ; Philippe, prêtre, à qui échurent un hôtel sis à Précy et 8 livres de rente ; Etienne, qui eut en partage les chastel, châtellenie, terres et seigneurie de Montvieil en Agenois, ainsi que les autres biens de Guienne. Les descendants de Madaillan ont possédé ces domaines jusqu'à l'époque où le dernier de cette branche fut tué en duel par le maréchal de Thémines (1).
(1) Recueil de différentes choses, par le marquis de Lassay.

On lit dans l'inventaire des titres de l'église de Montataire que des messes d'obit ont été fondées en l'honneur de messire Arnaulton de Madaillan et sa femme, et de messire Philippe de Madaillan, leur fils, pour être célébrées le 12 avril et le 2 septembre de chacune année, en grande pompe, avec diacre, sous-diacre, choristes, vigiles, commandace, Libera et De Profundis, lesquels devront être chantés sur la tombe même desdits fondateurs, probablement inhumés dans l'église.
Outre ses cinq fils, Arnaulton avait laissé deux filles dont l'aînée, Marguerite, fut mariée à Pierre de Torcy, la seconde, Georgette, à Louis de Montigny.
Guichard de Madaillan, fils aîné d'Arnaulton, avait épousé Jeanne de Marconville, fille de Jehan de Marconville et de Marguerite de Hédouville.
Elle était veuve de messire du Monceau, seigneur de Thignonville. Elle avait pour neveu un certain Louis de Hédouville, seigneur de Sandricourt, bailli de Caux, homme estimé, qui mourut à l'étranger, sans enfants. Il aurait pu sans inconvénient en avoir quinze et leur laisser à chacun une terre, car il était seigneur de quinze fiefs : Vigny, Sandricourt, Hédouville, Frémicourt, Saint-Lubin, Corbeil-le-Cerf, Amblainville, etc., etc. (1).
(1) Mss. de la Collect. André Duchesne, Bibl. Nat., p. 624.

Etant devenue également veuve de Guichard de Madaillan, Jeanne de Marconville fit, le 28 juin 1509, acte de foi et hommage au roi pour la seigneurie de Montataire, comme ayant la garde noble de ses enfants mineurs et au nom de Guillaume de Madaillan, son fils.
Elle avait aussi une fille, Jeanne de Madaillan, qui fut depuis, en 1515, mariée à Jacques de Pas, seigneur de Feuquières et de Rosières, vicomte de Jumancourt, enseigne des gendarmes du roi et gouverneur de Corbie (1).
(1) Handigner de Blancourt. Nobl. de Picardie.

Le 29 avril 1516, Guillaume de Madaillan, devenu majeur, rendit lui-même son hommage au roi. Il épousa Charlotte de la Roque, Héritière des terres de Roberval, de Ruys et Mauru, de laquelle il eut trois fils, Louis, Balthasar, François, et deux filles, nommées Madeleine et Esther (1).
(1) Bibl. nat., fonds Colbert, t. CXXXVII, CXXXVIII, p. 84.

On a de Guillaume de Madaillan un très grand nombre d'actes et une indication des arrière-fiefs qui relevaient de Montataire en l'année 1540 : c'est la déclaration des revenus et valeurs entièrement des fiefs et arrière-fiefs sis au bailliage de Senlis que je, Guillaume de Madaillan, tiens et possède :
1° A moi appartient le chastel, terre et seigneurie de Montataire avec haute, basse et moyenne justice, le tout clos de murailles, etc.
D'iceluy fief en relèvent plusieurs arrière-fiefs :
  • Deux tenus par Gilles de Vendelles à Montataire ;
  • Un par Jean de Trossy ;
  • Un par messire Louis de Vendosme, vidame de Chartres, à cause de sa seigneurie de Mortefontaine ;
  • Un autre par Nicol Morel, lieutenant général de M. le bailly de Senlis ;
  • Un autre à Villers-Saint-Pol, tenu par les héritiers Olivier de Hallot, etc.
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