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Cette activité ferroviaire prit un tel essor, qu'elle changea totalement la physionomie de notre ville qui,
d'année en année (mais surtout à partir de 1920) devint d'avant-garde et mérita le surnom, non seulement
dans les Deux-Sèvres mais dans toute la Région Ouest, de "Ville Cheminote".
Donc mon grand-père eut une idée: il va ouvrir lui aussi et dans son atelier même, non pas un "café",
mais un "bistrot' où l'on boira le bon jus des vignes de Rigné, de Mauzé, sans oublier le fameux "breton" de Pompois …
debout, en trinquant sur les tonneaux qu'il répare et ça s'appellera "Le Tonneau" ....
il existe toujours ! (ndw : en 1983)
Alors mon grand-père a tout de suite compris : ce vin qu'on vend partout trois sous le litre il va le vendre deux sous,
et pour ce sou gagné, les cheminots de passage délèguent le plus rapide d'entr'eux qui, bardé de 4, 5, 6 récipients,
pique un cent mètres au "Tonneau" d'où il repart en un instant avec tous ses bidons pleins ,
et en prime un bon verre de vin offert par le patron.... Et çà marche!...
A ce train-là il faut s'agrandir. On a gagné un peu d'argent, on va faire construire une salle de café,
une grande à la place de 1'atelier, et ce dernier on le transportera plus loin dans la cour, la place ne manque pas.
Et c'est ainsi que d'année en année, dès qu'il mettait quelqu'argent de côté, il construisait. Un hangar ici,
une buanderie là, etc. .... toute sorte de petits bâtiments sans aucune unité, donc pas très homogènes
il faut bien le dire, mais il était heureux dès que quelque chose sortait de terre.
Il a aussi fait creuser une cave à la façon d'un souterrain, avec une entrée dans la cour, et une sortie rue Voltaire,
très vaste où l'on pourra entreposer beaucoup de bouteilles, beaucoup de barriques, et des tas de rangées d'étagères
pour le vin bouché.
Et il y en aura besoin! ... Dans une année aux environs de 1900, 300 barriques ont été vendues dans l'année.....
au litre et à la "chopine". Presque une barrique de 220 litres par jour, on croit rêver ...
Et ce n'était pas un petit travail d'aller tirer le vin dans la cave, par paniers de six et huit litres,
et l'été le faire rafraîchir dans des petits bassins remplis d'eau fraîche … tirée au puits voisin ! …
Mon grand-père Louis qui avait fait ses premières armes à Rigné, n'avait pas tardé à "remettre çà" à Thouars.
A ce moment-là, deux partis se partageaient le choix des électeurs : "Les Républicains", et la droite,
dite "Réactionnaire". Carrément rangé dans la première catégorie, il milita toute sa vie au sein du Parti Radical
porte-drapeau du libéralisme à cette époque, et s'inscrivit à la première occasion, sur la liste de M. Clément MENARD,
contre la liste de M. SEIGNAN....... Et fut élu Conseiller Municipal en 1902.
Souvent j'ai pensé combien il eut été heureux s'il avait pu prévoir que sa petite-fille un jour lointain,
prendrait en quelque sorte le relais (au moins pour le temps d'une législature), et siégerait en qualité
de conseillère municipale, autour de la même table.... et sous la présidence de M. Jacques MENARD Maire,
petit-neveu de M. Clément MENARD.
Pour bien afficher ses idées politiques, il fit crépir ses maisons aux couleurs nationales: bleu pour la sienne,
blanc au-dessus du porche, et rouge pour l'épicerie.
Çà, c'est tout mon grand-père, sincère jusqu'à l'exubérance et un tantinet cocardier ....
Le Poste de Commandement pour les "Ménardistes" était installé dans la salle de café du Tonneau,
le soir après la fermeture. La tactique était la suivante: l'équipe de colleurs d'affiches avait pour mission
de repérer celles posées par les adversaires, de les décoller en vitesse, et de les ramener à toute allure.
Le comité de rédaction qui siégeait sur place, rédigeait illico la réponse, on la portait à l'Imprimerie Nouvelle
(où les typos travaillaient une partie de la nuit), et en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire,
les colleurs repartaient. Il arrivait que les deux équipes ennemies se trouvent face à face...
On échangeait des propos aigre-doux, et les pots de colle venaient souvent coiffer l'adversaire!....
Mais çà s'arrêtait là, et on repartait au galop.
Le lendemain pas de plaintes de part et d'autre. Les élections passées on se serrait la main......
en attendant la prochaine campagne!
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Pour servir à l'histoire familiale - Jalons AP - Février 2000